Constructeurs et télématiciens : partenaires ou rivaux dans la course à la donnée ?

Alors que la télématique embarquée s’impose progressivement comme un standard dans la gestion de flotte, une question centrale se pose : les constructeurs automobiles, de plus en plus présents dans ce domaine, sont-ils en train de concurrencer frontalement les spécialistes de la télématique, ou bien s’inscrivent-ils dans une logique de complémentarité ? Retour sur les enjeux et perspectives d’un secteur en pleine mutation.

La télématique : de l’option au réflexe de gestion

Autrefois perçue comme un outil de surveillance intrusive, la télématique embarquée est aujourd’hui devenue un levier essentiel de pilotage des flottes automobiles. Elle permet d’obtenir des données précieuses sur l’usage réel des véhicules : kilométrage, consommation, comportements de conduite, géolocalisation, diagnostics mécaniques, etc.

Les chiffres témoignent de cette montée en puissance :

  • En 2021, la France comptait 1,1 million de véhicules connectés, soit une progression de 5 % par rapport à 2020.
  • En Europe, le cabinet Berg Insight prévoit un taux de pénétration de 34,5 % d’ici 2025, représentant 22,5 millions de véhicules connectés.
  • Horizon 2030 : près de 70 % des véhicules neufs seront équipés nativement d’un boîtier télématique.

Les constructeurs montent au créneau

Les constructeurs ne veulent plus rester à l’écart de cette manne de données. Ils s’équipent désormais de boîtiers connectés en usine (aussi appelés OEM, pour Original Equipment Manufacturer), et développent leurs propres offres de services connectés.

Exemples notables :

  • Tesla utilise les données télématiques pour proposer une assurance comportementale.
  • Stellantis collabore avec Amazon pour développer des solutions connectées.
  • Renault équipe ses véhicules d’un boîtier IVC et travaille avec le télématicien Optimum Automotive.

Cependant, les constructeurs ne proposent pas (encore) une solution complète de gestion de flotte. Leurs services sont souvent limités à l’entretien connecté, la maintenance prédictive ou le suivi du véhicule individuel. Ils n’ont pas l’infrastructure, la neutralité ni l’ergonomie requises pour des flottes multi-marques.

Constructeurs vs télématiciens ? Une concurrence plus théorique que réelle

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les constructeurs ne cherchent pas à remplacer les spécialistes de la télématique. Ces derniers voient plutôt l’arrivée des boîtiers OEM comme une opportunité :

  • Accès direct aux données sans avoir à installer un boîtier secondaire.
  • Réduction des coûts logistiques (pas d’immobilisation des véhicules, pas d’atelier).
  • Interfaçage facilité via des API standardisées, évitant les développements complexes.

Ainsi, les télématiciens intègrent les flux de données constructeurs dans leurs plateformes et continuent d’offrir une couche logicielle métier à forte valeur ajoutée. C’est une relation de complémentarité, où chacun reste dans son champ d’expertise.

La valeur des télématiciens : expertise, neutralité et services avancés

Les sociétés spécialisées dans la télématique ne se contentent pas de collecter des données : elles les transforment en outils de pilotage intelligents.

Leurs atouts :

  • Ergonomie des plateformes, conçues pour les gestionnaires de flotte (tableaux de bord, alertes, rapports personnalisés).
  • Expertise multi-marques, là où les constructeurs restent focalisés sur leur propre gamme.
  • Services spécifiques : Green Coaching, analyse fine des trajets, optimisation de la recharge pour les PHEV, éco-conduite, reporting RSE, etc.
  • Capacité d’intégration avec les autres outils SI (RH, comptabilité, maintenance, etc.).

Un enjeu crucial : l’homogénéisation des données, car chaque constructeur propose ses propres formats, vocabulaires et interfaces. Les télématiciens agissent ici comme des traducteurs technologiques.

Un marché en pleine reconfiguration

La montée des constructeurs dans le domaine de la télématique ne signe pas la fin des acteurs indépendants, mais elle entraîne une restructuration du marché. Les généralistes ou opportunistes peu spécialisés auront du mal à suivre. En revanche, les experts à forte valeur ajoutée conserveront leur place.

  • Les TPE/PME pourront se contenter des solutions simples et peu coûteuses des constructeurs.
  • Les grandes entreprises, avec des flottes mixtes et des besoins avancés (reporting, conformité, maîtrise du TCO), continueront à faire appel aux télématiciens indépendants.

Conclusion : une cohabitation stratégique

La coopération semble donc l’emporter sur la concurrence. Les constructeurs intègrent la télématique pour enrichir leurs véhicules ; les télématiciens s’en servent pour proposer des solutions métiers sur-mesure, adaptées à la diversité des flottes.

Finalement, dans un monde où la donnée devient un carburant stratégique, constructeurs et télématiciens ont intérêt à avancer main dans la main, chacun jouant un rôle complémentaire dans la chaîne de valeur.

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