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Presse écrite FRA
Famille du média : Médias professionnels
Périodicité : Mensuelle
Audience : 199 947
Sujet du média : Transport-Logistique
Édition : Juillet - août 2023
Pages : 34-36
Journaliste : Loïc Fieux
Photos : X D.R.

Économie — Vol de carburant

Texte : Loïc Fieux • Photos : X D.R.

Il semble qu'avec la baisse du prix du gazole, les voleurs de carburant (opportunistes ponctuels ou réseaux organisés) soient un peu moins actifs. Mais ils continuent malgré tout à sévir. Face à ce phénomène, les transporteurs sont désarmés. Ils ne sont sûrs que d'une chose : aucune assurance ne leur remboursera le carburant volé. Voyons les moyens dont ils disposent pour se protéger.

Si le vol de carburant est si courant, c'est parce qu'il est à la fois facile et rarement condamné. Et si la France est un Eldorado pour les voleurs de carburant, c'est parce que nous savons ce que nous risquons au tribunal si nous « corrigeons » manuellement le voleur pris en flagrant délit. Ailleurs en Europe, le voleur risque bien davantage un tabassage punitif.

Ajoutez à cela la pénurie de parkings sécurisés, le prix élevé du carburant qui agit en accélérateur de délinquance, sans oublier le comportement fataliste de certains transporteurs, et vous obtiendrez un climat propice au vol de carburant.

Oui, il y a du vol interne

Entre formation écoconduite, chauffeur référent, formateur interne et suivi de la consommation par télématique, on ne peut pas dire que les chauffeurs routiers d'aujourd'hui ne soient pas sensibilisés au coût du carburant. Il serait vain de nier que certains chauffeurs prélèvent du carburant pour leur propre usage.

L'Afrique connaît une situation extrême puisque la revente de carburant par le chauffeur représente l'essentiel de sa rémunération. Indépendamment du continent, le transporteur qui met en place un système de contrôle précis pour éviter les vols doit penser à l'acceptabilité de son flicage. Redistribuer en primes aux chauffeurs le tiers de la valeur des vols évités est un choix gagnant-gagnant.

Qui sont les voleurs ?

Pour voler, il suffit d'oser. Partant de ce constat, on trouve une grande diversité de voleurs parmi les personnes qui n'ont pas le réflexe d'aller en station-service faire le plein. C'est moins cher auprès d'un réservoir de camion garé dans un endroit calme.

On trouve donc des voleurs opportunistes qui volent de quoi faire le plein de leur propre voiture, mais aussi des réseaux organisés. Un stationnement nocturne dans un environnement calme expose à un fort risque de vol.

Les réseaux emploient les grands moyens

Ils utilisent volontiers des fourgons 3,5 t chargés de cuves de 1000 l sur palettes et vidangent un réservoir à l'aide de pompes auto-amorçantes qui débitent au moins 50 l/minute. Une telle pompe est vendue quelques dizaines d'euros et fonctionne en 12 V, simplement branchée par pinces crocodile sur une batterie automobile.

Le vol, c'est si facile...

Et comme dans toutes les disciplines, il y a les poids lourds. À l'extrême, les voleurs emploient une semi-remorque fourgon chargée de cuves. Le même véhicule servira ensuite de nourrice auprès des acheteurs, clients de ce recel.

Et qui sont ces clients ?

Ce sont fréquemment des chauffeurs dont les frais sont versés sous la forme d'une somme en liquide. À leur retour, il leur suffira de dire qu'ils ont perdu les justificatifs de paiement. Évidemment, de telles pratiques sont inenvisageables par les chauffeurs d'Europe de l'Ouest, mais elles n'ont rien d'étonnant pour ceux venus de l'Est.

La place libre est celle du voleur

La méthode varie, mais un scénario est fréquent. Comme d'habitude, le parking poids lourds est complet. Serait-ce une bonne nouvelle si une place s'y libérait aux heures les plus calmes de la nuit ? C'est ce qu'attendent les voleurs en maraude.

Un grand classique consiste pour eux à placer leur véhicule entre deux ensembles routiers. Ils sont ainsi dissimulés par leurs victimes. Si vous êtes doté de mirrorcams, vous pouvez observer les voleurs à l'œuvre sans ouvrir les rideaux et donner un bon coup de klaxon. Logiquement, ça devrait suffire à les faire fuir.

Oui, on peut voler sur autoroute sans y entrer

Pour éviter d'être piégés dans l'environnement clos d'une autoroute et de ses parkings, les voleurs font parfois courir un tuyau à travers le grillage de l'enceinte autoroutière afin que leur véhicule puisse facilement s'échapper incognito.

Bref, le vol de carburant est un business juteux, avec ses petits délinquants et ses industriels du siphonage.

Voler par au-dessus ou par au-dessous ?

Le voleur qui n'a pas envie de se baisser passera par le dessus du réservoir, puis il pompera ou siphonnera à partir de l'orifice de remplissage ou du puits de jauge.

Celui qui passe par en dessous visera le bouchon de vidange, la crépine du circuit de carburant ou le circuit de carburant en lui-même s'il se sent l'âme d'un plombier.

Triple peine pour le transporteur

La brute épaisse percera le réservoir d'un coup de pioche. Et là, c'est la triple peine pour le transporteur. Il perd son carburant, il ne peut pas effectuer sa tournée et il doit payer un nouveau réservoir.

Dans le pire des cas, son client ne lui pardonne pas son retard et il doit faire remorquer son camion.

Voilà pourquoi de nombreux transporteurs refusent les bouchons avec serrure. Le vol seul coûte moins cher qu'une destruction de réservoir et toutes ses conséquences.

Le vol est toujours une perte sèche pour le transporteur. Il fragilise sa trésorerie.

Affligés, mais résignés

Louis Ducarroz est responsable de la stratégie et des fonctions support des Transports Ducarroz. Basée en Isère et spécialisée dans le vrac pulvérulent, cette entreprise exploite une quarantaine d'ensembles tirés par des Volvo FH, équipés de la télématique Volvo Connect, mais volontairement dépourvus d'inserts anti-siphonage.

Lors de la rédaction de cet article, le prix moyen du gazole en France est de 1,7 €. On a connu pire et nul ne peut prévoir le prix du carburant à moyen terme.

Pour le voleur à la petite semaine, un réservoir de poids lourd est tout simplement une station-service « gratuite ». La présence d'un insert anti-siphonage peut inciter les voleurs à percer le réservoir.

« En matière d'inserts anti-siphonages, il y a du pour et du contre, car les voleurs arrachent tout ou percent le réservoir. Ce n'est donc pas la garantie de ne pas être volé. Pour la même raison, nous n'utilisons pas de bouchons avec serrure. Nous sommes informés par Volvo Connect du niveau dans les réservoirs. Vis-à-vis du vol de carburant, nous nous contentons de constater les dégâts. Avec notre flotte de 40 véhicules, nous subissons un vol par mois avec. Ces vols ont lieu sur les aires de repos, dans notre dépôt et finalement, n'importe où », détaille Louis Ducarroz.

Entrer en résistance

Pour un transporteur, le carburant représente un tiers des coûts d'exploitation. Un conducteur qui économise 1 l/100 km apporte donc 1 % de rentabilité.

Il existe des solutions techniques pour détecter le vol et tenter d'intervenir en cas de vol. Laissons de côté les serrures et inserts qui peuvent se révéler contre-productifs.

L'équipement essentiel est une jauge ultra-précise. Avant tout, elle permet une comparaison pertinente entre le plein déclaré et le volume effectivement présent dans le réservoir. Ensuite, elle détectera toute variation suspecte du niveau dans le réservoir.

Et au-delà de la jauge ?

Parmi les solutions du marché, on trouve celles de Fleetenergies (anciennement AlertGasoil), de Geoloc Conseils (Fuel Sentinelle, Tank Protect, anti-siphonage.com), ou de Securifuel (anciennement G-Keep, Optimum Automotive), entre autres.

Au choix du client, elles alertent en cas d'ouverture du réservoir ou lors d'une baisse de niveau suspecte. Selon le cas, on préfèrera déclencher une alarme ou bien alerter silencieusement afin de prendre le voleur en flagrant délit.

Éviter les fausses alertes

Les parkings sécurisés apportent une protection efficace au camion, à son carburant et à son chargement, mais ils sont chers et peu nombreux.

Dans le cas de Geoloc Conseils, la jauge est sensible à des variations de 1/250e de plein.

Les systèmes connectés de prévention du vol de carburant peuvent s'intégrer à l'environnement télématique d'un transporteur et transmettre leurs données aux systèmes de gestion de flotte.

L'un des critères de choix est la prévention des fausses alertes. Le dispositif doit être conçu de manière à « comprendre » que l'ensemble routier est en cours de chargement. Celui-ci peut provoquer une inclinaison non corrigée par la suspension pneumatique puisque le moteur ne tourne pas et donc, une variation du niveau là où se trouve la jauge.

Interventions des forces de l'ordre

Ponctuellement, les forces de l'ordre arrêtent des voleurs de carburant, mais ces coups de filet sont marginaux comparés à la fréquence des vols.

Pour un transporteur, s'équiper d'antivols revient parfois à subir une casse de son matériel en plus du vol du carburant.

Sécuriser le parc

Réduire le risque de vol par des personnes extérieures à l'entreprise est possible lorsque la flotte est toujours stationnée au dépôt (exploitation régionale d'une flotte captive). Le dépôt doit dans ce cas être efficacement clôturé, éclairé et équipé d'une vidéosurveillance.

La mise en place et l'entretien de ces protections représente un coût parfois prohibitif pour les transporteurs.

Les énergies alternatives y échappent

A-t-on connaissance de vols de méthane (GNC, GNL), d'E85 ou d'énergie électrique sur un poids lourd ? À ce jour, il est clair que l'emploi de ces énergies élimine le risque de vol.

En revanche, le BioG et le HVO sont acceptés par un moteur diesel. Un autocollant mettant en garde vis-à-vis de l'emploi du BioG par un moteur inadapté n'a qu'un effet limité vis-à-vis d'un voleur qui agit souvent dans l'obscurité, ne lit pas toujours le français et pense d'abord à la valeur de revente.

Le vol de gazole dépend de son prix

Gendarmes et transporteurs sont unanimes. La fréquence des vols de carburant dépend du prix de celui-ci. Plus le prix à la pompe est élevé, plus le carburant est volé.

Les statistiques fondées sur les plaintes nous trompent sur l'importance du phénomène car les vols ne sont pas tous déclarés. L'absence de déclaration s'explique par l'absence d'indemnisation par les assurances.

Cela ne consolera personne, mais il faut souligner que les engins agricoles et de travaux publics subissent eux aussi des vols.

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