
La numérisation d'une flotte reste souvent une démarche complexe, surtout quand il s'agit de s'équiper en télématique embarquée. En résumé, les équipes ont peur d'un éventuel « traçage » de la part de l'employeur.
Comment dépasser cette crainte ? Comment former ses équipes ? Voici quelques pistes à suivre pour basculer sa flotte au 100 % numérique.
Il serait difficile de numériser les flottes en France. Alors que les flottes belges le sont « à près de 90 % », selon Stéphane Penlae, dirigeant du télématicien Viasat France, les fournisseurs de solutions télématiques hexagonaux estiment, dépités, qu'un petit quart des parcs français sont numérisés. Pourtant, beaucoup en conviennent, l'arrivée d'une gestion de parc informatisée apporterait des gains substantiels. Certains vantent même un retour sur investissement « très important », pour un coût de la numérisation de l'ordre de 120 euros par an et par voiture. Ils mettent alors en avant que, rien qu'en carburant, cette informatisation pourrait générer environ 20 % d'économie.
Pour une personne roulant 20 000 km par an, cela ferait une ristourne de 4 000 km non parcourus et un coût en moins, à 2 euros le litre de pétrole, de 8 000 euros.
Entre retour sur investissement et défiance
Alors comment expliquer qu'auprès des patrons, des collaborateurs et parfois des gestionnaires de flotte, le jeu ne semble pas valoir la chandelle ? Un rapide tour de piste auprès de ces gestionnaires éclaire la situation.
- « Numériser est long et difficile », commente anonymement la responsable d'un parc d'une centaine de véhicules. La numérisation de notre flotte a été "graduelle". Au démarrage, en 2021, 20 à 30 % des utilisateurs faisaient appel aux services de notre logiciel. Maintenant, près de 70 % s'y sont mis. Mais certains, lors d'un sinistre important, préfèrent toujours avoir un "humain" au bout du fil. »
- « Maîtriser un logiciel de gestion de flotte est compliqué », poursuit un second responsable de parc. Mais le frein principal vient des salariés qui confondent numérisation et flicage.
- « C'est une question de culture », renchérit un troisième. Les conducteurs n'aiment pas être "tracés" par leur patron. C'est un sentiment largement partagé, d'autant que la numérisation peut être assimilée à de la géolocalisation des véhicules.
Géolocalisation : les règles à suivre
Mettre en place un outil de géolocalisation impose de suivre un certain nombre de règles en matière de protection des salariés conducteurs. Pour bien faire, le plus efficace reste de se référer au site de la CNIL. Ce dernier rappelle ainsi que :
« Les dispositifs de géolocalisation peuvent être installés dans des véhicules utilisés par des employés pour :
- Suivre, justifier et facturer une prestation de transport de personnes, de marchandises ou de services directement liée à l'utilisation du véhicule.
- Assurer la sécurité de l'employé, des marchandises ou des véhicules dont il a la charge, et notamment retrouver le véhicule en cas de vol.
- Mieux allouer des moyens pour des prestations à accomplir en des lieux dispersés, notamment pour des interventions d'urgence.
- Accessoirement, suivre le temps de travail, lorsque cela ne peut être réalisé par un autre moyen.
- Respecter une obligation légale ou réglementaire imposant la mise en œuvre d'un dispositif de géolocalisation en raison du type de transport ou de la nature des biens transportés.
- Contrôler le respect des règles d'utilisation du véhicule. »
Plus d'infos sur le site de la CNIL : www.cnil.fr
Témoignages
Philippe Gorse, P-DG, Novares
Spécialiste en informatique, téléphonie, systèmes d'impression et cybersécurité, Novares, à la tête de soixante salariés, s'est mis à la télématique il y a un an.
« En 2021, nous avons souhaité équiper notre flotte de vingt véhicules avec la solution du télématicien Viasat France. Nous avons informatisé notre gestion de flotte pour deux raisons. La première : localiser nos collaborateurs afin d'envoyer le plus rapidement possible le technicien le plus proche lorsque nos clients nous sollicitent en urgence. Nous avons ainsi gagné une heure sur le délai moyen d'intervention. La seconde raison de ce passage à la télématique était financière. Nous souhaitions réduire notre consommation de carburant en rationalisant les tournées. Les coûts en essence ont alors baissé de 20 % en un an. Aucun de nos salariés n'a sauté de joie lors de la mise en place de cette solution. Ils ont eu le sentiment d'être mis sous contrôle. Pour dépasser cela, il a fallu expliquer que cette numérisation de la flotte n'avait aucun caractère "répressif". Qu'il était simplement question d'optimiser les coûts. Reste qu'un salarié a préféré partir... Mais, aujourd'hui, alors que cette démarche a un an, personne ne s'en plaint plus. La crainte du traçage finit donc, avec le dialogue et le temps, par s'estomper. Mais ce problème social constitue, selon moi, le principal écueil à la numérisation des flottes. »
Recommandations pour réussir la numérisation
Expliquer le pourquoi
Selon Stéphane Penlae, pour Viasat France, le gestionnaire de flotte doit tout d'abord circonscrire son projet à des finalités qu'il expliquera aux collaborateurs et aux dirigeants.
- « C'est le cas d'un client déménageur qui cherchait à diminuer son accidentologie. Une autre société voulait améliorer son image de marque lors de la traversée des villes en sensibilisant ses conducteurs à la conduite en "bon père de famille". J'ai aussi eu le cas d'une entreprise qui souhaitait abaisser de 25 % ses coûts de carburant pour son transport. »
La première démarche reste donc d'identifier et d'expliquer son besoin. « On ne numérise pas parce que les autres s'y sont mis. Il faut cerner son besoin, comme celui de maîtriser les coûts », insiste Nathalie, gestionnaire d'une flotte de plusieurs milliers de véhicules.
De l'utilité des données pour la gestion de flotte
« L'avantage de la numérisation consiste à se faire alimenter structurellement en données. Des données dont il faudra se servir pour mettre en place des indicateurs de progression », souligne Franck Guillou, directeur technique de RSolutions Expertises.
Monter un projet d'entreprise
Le gestionnaire de flotte doit définir des mesures et en faire un projet d'entreprise, qu'il faudra présenter à la direction, au CSE, aux représentants du personnel, aux syndicats et aux collaborateurs. L'objectif est d'associer les gains générés par l'outil au bien-être des conducteurs, au développement de l'emploi et à la pérennité de l'entreprise.
Mettre en avant les avantages
Il est essentiel d'expliquer aux conducteurs les améliorations qu'ils vont obtenir, comme la simplification des démarches, la sécurité, la limitation des heures supplémentaires non payées, ou encore le bien-être au volant.
Former les collaborateurs
Enfin, l'intégration d'un outil doit passer par une phase de formation. Les salariés doivent être formés pour employer efficacement ces outils. Cela peut aussi déboucher sur des cursus d'éco-conduite et sur la mise en place de challenges pour récompenser les meilleurs conducteurs.
Conclusion
La numérisation des flottes, bien qu'elle apporte des bénéfices clairs en termes d'économies, de sécurité et de gestion, reste un défi humain et organisationnel majeur. Le dialogue, la formation, la transparence et l'implication des équipes sont les clés pour réussir cette transformation.
Source : Flottes Automobiles, octobre 2023, article de Gwenole Guiomard
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